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Le rebond de Julien Bahain : Traverser l'Atlantique à la rame...

Dernière mise à jour : 13 juin 2019


Julien Bahain

Les suites des Jeux Olympiques ne se jouent pas toujours comme prévu. Il suffit que les résultats ne soient pas là pour atterrir brutalement. C'est ce qu'a vécu Julien Bahain en cette fin d'été 2012 après les JO de Londres. Il nous le décrit ici par des mots extrèmement touchants qui rappelleront de mauvais souvenirs à nombre de champions.


Toutefois, les champions sont des gagneurs, et Julien en fait partie en rebondissant déjà vers un autre grand projet. Il signe avec ces mots l'introduction de son projet de traversée de l'Océan Atlantique à la rame avec son coéquipier Patrick Favre.


"Londres 2012. Après une médaille de bronze décrochée à Pékin quatre ans auparavant, mes deuxièmes Jeux Olympiques sont un échec, une blessure profonde.

Quatre années avec les yeux tournés vers cet objectif. Avec mon coéquipier, Cédric Berrest, et notre entraîneure, Christine Gossé, c’est jour après jour que nous avons construit cette performance. 2 titres européens, 3 médailles aux championnats du monde, 5 médailles en coupe du monde, des victoires en régates internationales, plus de 200 jours par an à vivre ensemble dans des bases d’entraînement loin de nos familles et de nos amis.

Ce sont des concessions plus qu’importantes que j’ai faîtes sur ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Londres devait être la cerise sur le gâteau. C’est une 10ème place au final. Le plus mauvais résultat de ma carrière sportive. Il aura suffi d’un état physique moins affûté et d’une somme de détails pour que la sanction soit immédiate. C’est tout un monde qui d’effondre. Tant de rêves qui tombent à l’eau. Tant de travail, de sueur et d’effort réduits en poussière. Des heures à pleurer, les yeux dans le néant.

Et maintenant ?

Je ressens du vide, de l’impuissance, de la frustration, de la honte. Mais au final c’est une réalité violente qui me rattrape devant ma famille, mes amis qui ont fait le déplacement, qui sont là pour me réconforter tant bien que mal. Ma raison d’être de ces quatre dernières années se résume à un chiffre : 10ème. Mon jugement sur moi-même est intraitable. Je me sens d’autant plus mal que je sens être celui qui, par mon manque de fraicheur évident sur ces Jeux, ait fait pencher la balance de la performance du mauvais côté. J’ai entrainé mon coéquipier avec moi dans cette déroute. Et puis on cesse d’exister dans le monde magique des Jeux Olympiques. La pancarte « 10ème » vous colle à la peau et beaucoup de portes se referment devant vous.

Telle est la réalité post-olympique.

C’est donc avec ces sensations que je repars de Londres. Je fuis la France à mon retour car trop peur d’être confronté à « ce qui aurait pu être ». 3 semaines à l’autre bout du monde à essayer d’oublier, à essayer de panser des plaies. En vain. Toutefois ce sont des réponses que j’y ai trouvées. Je sais que je vaux mieux que ça. Que je suis capable de passer outre cette frustration. Que je n’ai pas envie d’attendre quatre ans à me morfondre pour espérer avoir une nouvelle chance sur une fenêtre de 6 minutes et réussir ce que j’aime au fond. Me dépasser. Cet irrésistible sentiment d’être aller toucher ses limites. D’avoir surmonter les épreuves, les difficultés, ces peurs.

Les choses deviennent plus claires. J’ai ce besoin profond de me relancer dans un nouveau challenge, de repartir de l’avant mais avant tout j’ai besoin de me surpasser. De surpasser mon échec, ma peur.

Une opportunité s’est offerte à moi par le biais d’un ami. Un ami qui a pensé à moi pour un challenge fou :

Réaliser une tentative de record sur la traversée de l’Atlantique à la rame.

Cet ami, c’est Patrick Favre. Il avait répondu présent dans notre tentative avortée de traversée de la Manche à la rame en double avec Cédric il y a un an. J’avais été parrain de l’une de ses traversées en 2008. Lui n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il est le seul skipper au monde à avoir à son actif 3 transatlantiques à la voile et 3 à la rame. 2 traversées en solo sur le parcours Sénégal – Guyane et une traversée en équipage de 8 personnes sur le parcours Canaries – Barbade (4ème temps mondial sur plus de 300 tentatives en 34 jours, Patrick est le Français le plus rapide sur l’Atlantique Sud). Patrick fait maintenant partie des 10 rameurs dans le monde qui ont réussi 3 traversées océaniques à la rame. Pour ce coup-ci, il veut battre le record à la rame et me prendre avec lui pour se relayer jour et nuit.

Après ce coup de fil, tout devient clair pour moi. C’est le défi qu’il me faut. Quelle belle manière d’apprendre de soi, de se pousser à l’extrême, de faire de cet échec de Londres une victoire sur moi-même. De retrouver le goût de la gagne mais différemment. Chose impensable il y a de cela un an, je m’apprête aujourd’hui à traverser l’Atlantique à la rame. Je vais devoir vaincre ma phobie de l’eau au milieu d’un océan. Apprendre la navigation. Ramer 12h par jour. Trouver la force mentale de continuer, de s’aider avec son coéquipier. Je vais devoir vivre plus de 30 jours sur une embarcation grande comme une voiture sans permis, balloté par les vagues. Partager cet espace avec Patrick avec pour seul objectif : atteindre les Caraïbes le plus vite possible. Une formidable aventure humaine en perspective.

C’est ce challenge que j’ai envie de partager avec vous de l’intérieur pendant ces quelques 30 jours de traversée.

Et quel beau challenge !"

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